Entre les ateliers de journalisme, mon blog voyage, les cours d’espagnol, le lancement du site Voyageurs du Net, les travaux pour Fabrice du blog Instinct Voyageur et la gestion de mes sites internet en France, je n’ai pas toujours le temps de profiter au maximum de mes voyages. Je « sous-traite » donc ce récit à Mikaël, qui vous racontera à sa manière, et de façon très appréciable, notre promenade sur les flancs du volcan Chicabal, dans le sud-ouest du Guatémala, où culmine en son cratère, un lac sacré par les Mayas Mam.
Le Guatémala n’est clairement pas une destination du tourisme de masse. Sa réputation, justifiée, de pays violent, la corruption endémique (le pays était, en 2010, 91e du classement établi par Transparency International relativement à la corruption), le manque d’infrastructures, en font une destination réservée à des voyageurs avertis. Dans ce cadre, ne pouvant compter sur l’État, des Guatémaltèques s’allient en créant des projets communautaires, des coopératives, à la fois pour protéger leur environnement, pour le valoriser auprès des touristes, et pour sensibiliser les visiteurs à des problématiques écologiques et sociales.
C’est, entre autres le cas à Chicabal, volcan éteint dont le cratère abrite une lagune, situé à 24 km de Quetzaltenango, deuxième ville du pays. Lieu sacré de la cosmologie des Mayas Mam, le volcan appartient depuis 1986 à une communauté de 19 familles de paysans, qui ont racheté collectivement ce qui était auparavant une propriété privée. Depuis lors, diverses mesures ont été prises par cette communauté, que ce soit pour sensibiliser les écoliers à l’écologie, pour empêcher la déforestation et la culture agraire des flancs du volcan – avec à la clé un rachat de terrains pour permettre aux agriculteurs de continuer leur activité – ou pour accompagner les visiteurs lors de visites guidées.
Ce mercredi 7 novembre, c’est guidés par Andrés, un paysan local impliqué dans ce projet co-créé par son père, que nous nous engageons pour près de quatre heures de balade sur les sentiers du volcan. Trop souvent, nous dit-on ici, les étrangers préfèrent recourir à des guides eux-mêmes étrangers et résidant sur place, parlant anglais, voire français. Cela, hélas ! au détriment des Guatémaltèques, qui souvent ne parlent pas de langue étrangère, l’espagnol étant déjà elle-même une langue étrangère pour l’immense majorité des indigènes mayas. Et, à écouter Andrés nous parler des traditions, légendes, superstitions et croyances, de la faune et de la flore, on mesure que cette richesse-là est supérieure à ce que pourraient proposer des étrangers. De la même façon que visiter Paris avec une personne qui ne connaît pas l’histoire de la France ou de sa capitale, est bien moins enrichissant qu’avec quelqu’un qui sait raconter tout cela, c’est-à-dire, animer l’imagination, enseigner, transmettre le plaisir d’apprendre. Aller dans un lieu sans le comprendre, c’est passer dans un décor inanimé, voire innommé.
A l’inverse, Andrés a réponse à toutes les questions que, comme des gosses avides de nommer, nous lui posons : « Comment ça s’appelle, cette plante ? – Le sang du Christ ; c’est une fleur qu’apprécient particulièrement les colibris ». Ou encore : « Quels sont les animaux que l’on trouve par ici ? – Il y a des tigrillos, des mapaches [ce sont des procyons], des tatous, des pécaris de montagne ; il y a des chipes rosados, beaucoup de colibris et l’on peut voir aussi des vols de toucans, tôt le matin, avant que l’agitation humaine ne les éloigne ».
Soudain, la terre tremble : ce n’est pas un temblor (tremblement faible) ; c’est un terremoto (tremblement de terre fort). Surpris en pleine nature, c’est la première fois que nous vivons un tremblement de terre aussi fort, pendant plus de 10 secondes, entremêlées d’étonnement, de panique et d’adrénaline. Nous ne nous alarmons pas et poursuivons notre promenade comme si de rien n’était. Çà et là, le sol fendillé ou des arbres effondrés signalent l’intensité du tremblement, qui à cette distance de l’épicentre (situé à 24km de Champerico, ville côtière du Sud-Ouest) a atteint environ 6 degrés sur l’échelle de Richter…
Paysan ayant grandi dans le coin, Andrés connaît aussi bien les usages des plantes que les légendes locales. Il nous parle de l’aliseo et du saúco, arbres dont les feuilles (et les racines aussi pour le second) sont utilisées pour fertiliser le sol. Il nous explique les superstitions locales des animaux de bon et de mauvais augure. Ainsi du s’ing, sorte de grillon sans aile dont la présence dans une maison annonce la mort : « pour repousser la mort, il faut lui verser quelques gouttes d’alcool dessus et lui donner un peu de tabac, lui parler gentiment et le mettre dehors », nous raconte Andrés.
Arrivant le long de la lagune après avoir descendu les quelque 570 marches qui y conduisent, nous apercevons, après les avoir entendus, des évangélistes prier avec une grandiloquence toute latinoaméricaine… Le lieu, sacré, est à présent d’une propreté remarquable pour le Guatémala, où il est fréquent que la nature ait des airs de poubelle à ciel ouvert. Fermé à la pêche en 1999, l’année où la communauté copropriétaire du lieu a fondé l’association des agriculteurs écologiques de la Laguna de Chicabal (Asaeco), le lac est d’un calme souverain. Tout autour de ce lac volcanique, des autels l’on trouve des autels mayas, où se donnent régulièrement des cérémonies. Après un tour de la lagune, nous commençons à remonter ; Andrés nous conduit jusqu’à un promontoire d’où, postés auprès d’un autel maya, nous avons une vue spectaculaire sur la lagune et l’abondante végétation forestière qui l’entoure. Il est environ 13 heures et les nuages, comme chaque jour, arrivent et descendent sur l’eau, donnant une aura mystérieuse à ce lieu.
Après quelques séances de photos, nous entamons la redescente du volcan jusqu’au refuge d’accueil. Nous y remercions Andrès et continuons rapidement notre route vers le petit village de Saint Martin Sacatépequez, fuyant les sombres nuages qui nous laissent pressentir que la pluie va bientôt faire son apparition. Nous rejoignons alors la place du marché, pour manger pas cher et sur le pouce un peu de riz, du poulet et quelques tortillas. Après une bonne matinée de marche, personne ne fait le difficile, même dans une « cantina » locale.
Un tremblement de terre en pleine nature, ça doit être vachement impressionnant! Surtout dans un tel cadre. C’est superbe. Ça semble très humide, est-ce que c’est toujours le cas?
Il n’a pas plu le jour du tremblement de Terre. Je ne connais pas vraiment les saisons dans cet région du Guatémala, mais il doit bien pleuvoir régulièrement car c’est grâce à la pluie que le lac s’est formé dans le cratère. A partir de 11h-12h, il y a une épaisse brume qui apparaît au-dessus du lac, c’est assez spectaculaire. Chicabal mérite bien son statut de lieu sacré !
Merci pour ce récit… c’est typiquement une ballade que je ferais volontier!
Je me demandais par contre s’il est quand même possible de visiter un pays comme le Guatémala sans parler un peu l’espagnol… J’imagine que tu dois quand même voir l’amérique du sud de façon un peu différente si tu connais un brin l’espagnol!… On va commancer notre voyage autour du monde en Asie mais on se demandait s’il était vraiment nécessaire d’investir un peu de temps dans l’apprentissage de l’espagnol pour visiter l’amérique du sud… tu nous conseilles quoi?
Je trouve dommage de voyager dans un pays étranger sans pratiquer la langue. Surtout qu’en on part au long cours en Amérique latine, qui à part quelques pays, est totalement hispanophone. Personnellement, je voyage pour 1 an en Amérique latine et j’ai dès les premiers jours pris des cours d’espagnol dans une école à Xela. Je t’invite d’ailleurs à lire cet article sur l’apprentissage de l’espagnol à Xela, au Guatémala. Si vous n’apprenez pas à parler espagnol, vous allez vous retrouver à voyager avec pour l’essentiel de stouristes étrangers, notamment des amricains.Je ne sais pas comment vous voyagez, mais se posez 1 mois dans un endroit paradisiaque et prendre des cours intensives peut-être une bonne solution.
Bonjour, Novomonde,
Si vous envisagez un voyage autour du monde, prenez en effet quelques cours d’espagnol, (re)familiarisez-vous avec cette langue. Car si vous prévoyez de passer plusieurs mois sur le continent, ça sera pas un luxe d’avoir qq notions préalables. Vous avez de la chance : on parle ici plus lentement et de façon plus compréhensible ; et j’ai le sentiment que les gens sont généralement compréhensifs avec les étrangers et enclins à répéter lentement pour bien se faire piger.
Si vous passez au Guatémala, vous pourrez y prendre des cours à vraiment pas cher pour progresser vite : Kalagan, en deux mois, est passé de la quasi impossibilité d’échanger à un début d’aisance permettant de converser : c’est impressionnant à voir. J’ajoute qu’à Quetzaltenango, où nous sommes arrivés vers le 12 septembre, les cours sont moins chers qu’à la Antigua (ville surfaite et hypertouristique) et la région regorge de beautés dans un rayon de 2-3h de bus (http://www.voyageurs-du-net.com/tag/quetzaltenango-xela). Je recommande San Andrés Xecul, Coatepeque et sa petite forêt tropicale (voire le lien en signature), le lac Atitlan bien sûr, les Fuentes Georginas et Zunil (où l’on a vu avec le Maximon local le plus invraisemblable et surréaliste des spectacles)… et la ville de Quetzaltenango, trop méconnue et où pourtant il fait très bon vivre. De très bon restos, une atmosphère détendue inconcevable à la capitale, une vie culturelle discrète mais vivace. Nous allons même proposer un projet à des univ pour y revenir travailler qq mois !
Concernant les cours, deux des élèves de nos ateliers de journalisme ont écrit un article sur les écoles de la ville, ici : http://www.voyageurs-du-net.com/espagnol-immersion-quetzaltenango.
Fabrice du blog Instinct Voyageur a lui-même écrit un article intéressant sur ses cours à San Pedro, sur le lac Atitlan.
Si vous souhaitez participer à VOYAGEURS DU NET, faites-nous signe à Kalagan et moi : nous serions ravi de collaborer avec votre blogue, de diffuser vos bons plans, de rester en contact aussi pour se filer des tuyaux.
Salutations d’un Voyageur du Net !
Salut Kalagan, salut Mikaël,
Merci beaucoup pour vos tuyaux… ça va surement nous être utile! Et ce que vous décrivez du Guatémala me fait bien envie je dois dire. Pour l’instant nous sommes toujours à Vienne et on a 2-3 amis espagnols! On en profitera peut-être pour apprendre un minimum avant de partir (si on trouve le temps)…
Et pour Voyageur du net pourquoi pas… c’est un chouette projet! ça correspond bien avec l’idée que je me fais d’une communauté du voyage sur le net!
Salutations Benoit (novomonde)
Je vais surement me rendre en Amérique centrale dans le courant de l’année prochaine et j’hésitais encore à passer par le Guatémala. C’est sans doute l’un des rares pays qui n’a pas encore été envahi par le tourisme de masse.
En tout cas, super récit, ça devait vraiment être impressionnant de vivre ce tremblement de terre au beau milieu de la nature.
On entend souvent ici que les pays les plus « abîmés » par le tourisme demasse sont le Panama et le Costa Rica. A mon avis, au Guatémala, au El Salvador, au Nicaragua, au Bélize et en Honduras, à part sur les gros sites touristiques (Tikal, Copan…), la présence touristique est assez diffuse. Cela dépend quand même des saisons. J’ai aussi entendu beaucoup de témoignages qui plaçaient, en tout cas pour les routards, le Guatémala comme destination favorite en Amérique centrale. C’est vrai que le pays est super beau, que les randonnées sur les volcans sont impressionnantes, les coins naturelles sont très variés et les gens sont aussi accueillants. Dommage que la capitale est violente et dangereuse (ce n’est pas qu’une impression, j’ai des témoignages à la pelle) et que le pays connaît de grosses difficultés (corruption, enseignement, vols des ressources naturelles, exploitation des ingènes…).
Du coup le guide parlait l’espagnol? Pas trop dur à comprendre ces explications pendant la randonnée? Je parle couramment espagnole et dans certains pays d’amérique du sud , les familles descendantes de peuple mayas ou d’indiens ont des accents assez prononcés et c’est pas évident de les comprendre sur certains mots.
Le guide parlait un espagnol correct, adapté à notre niveau. Il parlait assez lentement, et quand on ne comprenait pas, il expliquait et détaillait un peu plus. Après, au niveau de l’accent, je n’ai pas encore l’oreille pour bien les distinguer.
Bonjour Chrissand.
Le guide parlait en effet espagnol, un espagnol clair et lent. Généralement ici on comprend assez bien les gens, même s’il a fallu qq semaines pour s’exercer l’oreille.
Le guide était un Maya de l’ethnie mam. Il n’avait cependant pas un accent difficile, ce qui est peut-être le cas de personnes parlant peu l’espagnol… Ses explications étaient limpides… et dès qu’un mot nous échappait, on s’en sortait en demandant la définition.
Y’a pas photo : une promenade avec un guide vraiment local (càd vivant sur les lieux) ça ne peut se comparer avec ce que proposent des guides du pays qui n’ont pas grandi sur place ou, a fortiori, avec des guides étrangers qui ne pratiquent pas les rites et ne connaissent l’histoire, au mieux, que de façon livresque.
Ummm, le tremblement de terre, je comprends très bien ce que tu as dû ressentir, car nous en avons eu un le 5 septembre au costa Rica de 7.2 sur l’Échelle de richter et cela ma vraiment faite peur également, surtout qu’il a duré 45 secondes presque 1 minute il me semble et c’est vraiment long quand on aperçoit tous les murs autour de soi trembler et les gens, les enfants criés dans la rue…
Je suis de nature calme, mais là j’avoue que la panique commençait à monter.
Depuis nous en avons eu plusieurs de 5 à 6 mais cela me stress moins que le premier quand même !
En tout cas, superbe paysage, cela ressemble beaucoup au parc national des différents volcans du costa Rica comme le volcan Poas, toujours en activité, qui a un grand lac également…
A bientôt,
Un périple plein de rebondissement cette fois avec le coup du brigan au Mexique, décidemment tu en as vécu des choses.
Tu n’as pas parlé de cela dans ton bilan? 🙂
En tout cas, chapeau car au final belle récompense.