Peut-on profiter de notre liberté géographique quand on vit en famille ? Dans cet interview de Patrice, père d’une famille nomade depuis 2013, nous essayons de vous prouver que oui, cela est tout à fait possible.
Comment se passe la scolarisation des enfants ? Quel budget prévoir ? Quel type d’activité professionnelle ? Quel genre de mobilité ?
Cette étude de cas vous montre qu’avec un peu d’organisation et d’expérience, partir sur les routes en famille et passer l’année dans plusieurs pays n’est qu’une question de choix.
Bonjour Patrice. Avant que tu nous parles de votre mode de vie nomade, j’aimerais savoir un peu comment vous est venue l’idée de partir en famille sur les routes. Beaucoup de mes lecteurs sont de jeunes entrepreneurs célibataires, autour de la trentaine, d’autres sont des entrepreneurs plus expérimentés, qui veulent en quelques sortes prendre un nouveau départ à l’étranger. Dans votre cas, quel a été le déclencheur ?
Depuis 2005, nous avons une boutique en ligne de cadeaux personnalisés : OnVeut.com. Nous y consacrons beaucoup de temps et d’énergie. Quand on travaille dans un domaine créatif, qu’on a un rapport privilégié avec ses clients, les heures sont moins longues car on bosse avec passion. Mais cela avait un côté pervers : quand les heures sont moins longues, elles s’écoulent plus vite ! Les jours, les mois, les années passaient et cette passion nous consumait. On finissait par se retourner et à compter le nombre de mois où l’on avait consacré aucune journée à nous, à notre famille. On se rendait compte que l’on vieillissait et que notre décor se rétrécissait autour de nous, limité à nos bureaux. On voyait Logan, notre fils, grandir et l’on commençait à en vouloir à notre quotidien, à nous en vouloir, de ne pas vivre « d’émerveillements » en famille. Nous ne pouvions nous permettre de fermer la boutique pour quelques semaines de vacances et ne voulions surtout pas changer de domaine d’activité.
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Nous avons donc étudié nos options. Nous sommes co-gérants. Des responsabilités principales de Christine, le service clients, l’administratif, les achats et la gestion des réseaux sociaux ne posaient aucun problème pour être gérés à distance. Pour ma part, la création, le dessin, l’écriture, la compta et le travail sur la boutique elle-même pouvaient également être exécutés de n’importe où. Restaient principalement l’atelier et les expéditions qui devaient être gérés sur place. Nous nous sommes associés avec mon frère qui a dès lors pris en charge la gestion de cela.
Nous étions prêts pour notre nouvelle vie, sans sacrifier ce que nous aimions au niveau professionnel, bien au contraire, nous pouvions dorénavant nous concentrer sur les côtés les plus créatifs de notre activité !
Quand on voyage en famille, il y a une question qui revient souvent : comment se passe la scolarité de Logan ? Il doit sûrement prendre des cours en ligne ? Vous devez peut-être aussi faire un travail d’accompagnement ?
Logan est scolarisé par les cours en ligne du CNED. Les cours et les devoirs sont entièrement numériques, ce qui est bien pratique. Il est maintenant en première S. Cela se passe bien, grâce à l’école à distance il a appris à s’autogérer et à planifier ses activités pour les partager entre l’école et ses projets puisqu’il espère monter son entreprise. Il a développé son premier jeu vidéo pour mobile qui s’appelle Tiny Marb’ et veut en faire son activité professionnelle.
Parlons-un peu business si tu veux bien. Beaucoup de nomades sont des blogueurs, freelancers, formateurs, spécialistes d’un domaine sur internet, comme le SEO, le développement Web, le community management… Quand on est « nomade solo », j’explique en général, qu’à partir d’un revenu qui se situe autour de 1000-1500 euros, on peut déja envisager un départ sur les routes. Pour une famille, ça doit être bien plus je suppose ? Quels sont vos activités sur internet, quel est grossomodo votre modèle économique ?
Nous gérons donc à distance notre entreprise dont l’atelier, tenu par Thierry, est à Marseille. C’est notre travail à plein temps.
Nous avons également créé depuis cet été deux nouvelles boutiques en ligne : Ardoise-Souvenir.com dédiée à des plaques funéraires sur ardoise, et Numero-Maison.com, spécialisée dans les noms et numéros de maison. Je dirais que les revenus nécessaires dépendent fortement de l’endroit où l’on s’établit provisoirement. Sans compter les frais de transport, pour une famille de 3 personnes, en étant raisonnables, cela va de 1500 à 2500 euros à mon avis. Encore une fois, cela dépend du lieu. L’Espagne, par exemple, coûte bien moins cher que la France et c’est un pays que nous adorons pour bien des points.
Penses-tu que cela revient plus cher d’être nomade à votre façon, ou de vivre de manière sédentaire ? Que conseillerais-tu d’ailleurs à nos auditeurs pour ne pas avoir de problèmes financiers ?
Non, ça ne revient pas plus cher, si on s’organise pour cela. Nous louons chaque mois par AirBnb, en choisissant des lieux accessibles mais bien équipés et comprenant l’ensemble des frais afférents au logement. Par cette méthode, notre budget est facile à maîtriser. Vous pouvez adapter ce dernier aux revenus perçus. Comme conseil, je pourrais simplement dire que si votre activité est déplaçable, il n’y a aucun frein autre que psychologique à un mode de vie nomade. Pour ce qui est financier, comme quelqu’un de sédentaire, il importe de gérer son argent en « bon père de famille », ne pas oublier que l’on est pas en vacances, principalement si les finances sont serrées. Enfin, la sécurité nécessaire : avoir les économies pour le retour en cas de pépin ! S’il doit y avoir une somme toujours et obligatoirement disponible sur le compte en banque d’un nomade « non-aventurier », c’est juste celle-ci.
On a souvent une image un peu faussée du nomadisme. On nous imagine toujours sur les routes, comme des touristes ou des vacanciers. Qu’on soit backpacker, tourdumondiste, nomade, semi-nomade, semi-expatrié, ce n’est pas le débat… Ce qui compte, c’est d’être géographiquement libre et de pouvoir travailler partout dans le monde. Quel est votre philosophie à ce sujet ? Vous changez beaucoup de régions et de pays ?
Régions oui mais, pour le moment, en France, au Portugal, en Italie, au Maroc et Surtout en Espagne. Un petit problème de santé en 2015 a retardé notre découverte de l’Asie, que l’on prépare pour 2016.
Nous restons, en moyenne, un mois dans chaque lieu. Nous essayons d’y vivre comme les locaux. Nous sommes, finalement, installés comme la majorité des familles, dans un logement fonctionnel, sauf qu’il est chaque mois à un endroit différent !
Pour finir, et pour remercier ceux qui nous lisent jusqu’au bout, pourrais-tu nous donner quelques conseils pour bien réussir son expérience de famille nomade ?
On pourrait conseiller à ceux qui sont tentés par l’expérience de nomadisme digital de simuler ce mode de vie de chez eux ! Pendant quinze jours à deux mois, faire « comme si ». Vous placer en situation de travail à distance pour bien mettre au point vos procédures avant le vrai départ : est-ce que tout fonctionne bien ? Accédez-vous bien à votre imprimante à distance ? Comment allez-vous gérer le côté administratif, comptable ? Pas seulement imaginer comment vous allez faire, mais le mettre en pratique en grandeur nature. Vous pourrez ensuite opter pour un éloignement progressif, tester le nomadisme dans de belles régions françaises avant de partir plus loin.
Si vous n’êtes pas un baroudeur, mais une famille ou, tout au moins, avez des responsabilités à distance que vous devez assumer, un boulot fixe, planifiez votre itinéraire avec deux à trois mois d’avance minimum. En réservant vos logements sur AirBNB, vous aurez la sécurité d’avoir un toit sur la tête pendant les mois à venir, sur le trajet que vous aurez prévu. Certains pensent que l’on est Sans Domicile Fixe. On ne le ressent pas du tout comme ça. Nous considérons que nous sommes chez nous, dans le logement actuellement loué, comme l’est un sédentaire qui loue un appartement, même si c’est pour une période bien plus courte.
Enfin, le conseil bonus : beaucoup se demandent comment gérer le côté relationnel à distance, comment par exemple appeler en France sans se ruiner en facture téléphonique ? Une solution très pratique ET gratuite : la téléphonie SIP. Demandez simplement à un membre de votre famille si vous pouvez utiliser son téléphone. S’il est chez Free, c’est tout bonus puisque les appels vers les fixes et les mobiles sont gratuits. Vous pourrez utiliser sa ligne téléphonique à distance avec l’application adéquate. C’est très pratique ! Nous avions publié un billet à ce sujet sur notre blog Famille Nomade Digitale que je vous invite à lire pour tous les détails. Vous pourrez en profiter pour consulter nos autres conseils et découvrir notre vie nomade !
Génial, ce billet. Merci ! Nous sommes une famille franco-allemande et voyageons depuis fin 2011. Le déclenchement était le même comme chez vous. On gérait un hôtel-restaurant depuis 11 ans, les enfants grandissaient et on ne les voyait pas grandir. Comme ce n’était pas compatible de tenir un hôtel-restaurant ET voyager, nous avons tout laissé et sommes partis en voyage: d’abord l’Asie (Thailande et Laos), après un an en camping car aux Etats-Unis, ensuite 8 mois en tant que volontaires au Costa Rica, 3 mois en Equateur en famille et depuis janvier cette année nous sommes au Pérou, en train de reprendre une vie un peu plus conventionnelle. Quoi que – je travaille sur un tour opérateur spécialisé dans le Nord du Pérou (encore peu touristique), qui devrait nous donner l’opportunité de pouvoir repartir d’ici quelques années avec un business nomade ! Nos enfants aussi sont scolarisés par le CNED depuis donc maintenant 4 ans et cela se passe très bien.
C’est toujours intéressant ce point de départ, du temps qui passe.
Sinon juste pour faire mon enquiquineuse : je sais que le CNED est souvent présenté comme LA solution pour la scolarité des enfants en voyage. Ce n’est pas obligatoire. Il existe d’autres cours à distance (Legendre, Ker Lann, PI, etc) et surtout on peut légalement ne faire aucun cours par correspondance et se débrouiller tout seul. Sans compter sur les courants du unschooling, worldschooling ou roadschooling…