Dans le cadre d’un projet d’études à l’université des Lumières de Lyon, j’ai répondu aux questions de Lily sur le minimalisme, la simplicité volontaire et la décroissance. Le projet se concrétise principalement sous la forme d’une vidéo que vous pourrez trouver à cette adresse. On y explique les principes du minimalisme, ses racines et on y interroge quelques personnes dans le rue sur ce concept encore peu connu. Qu’est-ce que le minimalisme, comment cette culture se fait connaître et en quoi le minimalisme est une contre-culture ?
Quels sont selon vous les points clés qui définissent le minimalisme ?
Je définis le minimalisme comme un mode de vie ou un état d’esprit qui conduit à ne posséder qu’un minimum de biens matériels. Le minimalisme permet alors de se libérer des contraintes que la possession de biens imposent : l’achat, le stockage, la maintenance, le transport, le recyclage, la destruction, le renouvellement, … Le minimalisme est aussi fortement lié aux idéologies anti-consuméristes et écologiques.
Quels sont les ressemblances et les différences entre minimalisme, simplicité volontaire et décroissance ? Trouvez-vous ces notions complémentaires ou non ?
Le minimalisme est une des composantes de la simplicité volontaire, elle-même composante de la décroissance.
La simplicité volontaire est un concept plus large qui englobe par exemple l’envie de passer moins de temps à travailler et plus de temps à participer à des activités sociales non-marchandes, le droit à l’oisiveté, l’osmose avec la nature, le développement personnel, … Le minimalisme se réduit, pour ma part, à l’utilisation et la possession d’un minimum de biens matériels.
La décroissance est quant à elle un concept plus politique, reposant sur des principes anti-productivistes, anti-consuméristes et écologiques. Plus qu’un mode de vie, la décroissance est une vision politique du monde, basée sur des valeurs plus écologiques et plus humaines que marchandes.
Ces 3 notions idéologiques sont néanmoins complémentaires car elles mènent à des pratiques et concepts communs comme la mutualisation des biens matériels et des dépenses énergétiques : la colocation et le covoiturage en sont les meilleurs exemples ; la limitation des achats de produits neufs et manufacturés : en achetant des produits de secondes mains, locaux ou artisanaux, en réparant les produits usagers ou en les réutilisant pour d’autres utilités, en évitant le gaspillage, en prenant plus soins des objets afin d’améliorer leur durée de vie, …
Notons pour finir que ses 3 notions à première abord réductives ont toutes un point commun majeur : elles ont aussi pour but d’améliorer la qualité de vie et le bonheur des individus en centrant leurs préoccupations vers les valeurs essentielles que sont la vie en communauté, l’entraide sociale, l’amitié, la famille, le respect de l’environnement, le développement personnel, le voyage, la musique, l’art, …
Quels sont les points forts et les difficultés d’un mode de vie minimaliste ?
Quand on est habitué à utiliser des tas d’objets dont l’utilité réelle peut facilement être remise en question, la « transition minimaliste », qui m’a pris approximativement 2 ans, mène à une certaine liberté matérielle, très agréable à vivre. On a moins à perdre quand on a peu. D’un point de vue pratique, il est plus facile de voyager ou de déménager, on dépense moins d’argent à acheter des objets, moins de temps à ne plus faire de vaisselles énormes, à ne plus aller aussi souvent dans les magasins et grandes surfaces, … Lorsqu’on ne regarde plus la télé, on gagne énormément de temps pour pratiquer des activités qui nous tiennent plus à coeur. C’est ce que Timothy Ferriss appelle « la diète informative » dans son livre La semaine de 4 heures.
Le minimalisme est aussi un moyen de faire beaucoup d’économie. Pour un automobiliste, vendre sa voiture sera le début de la transition minimaliste .C’est d’ailleurs une des premières étapes qu’a franchi Damien, ami blogeur, pour son défi de ne vivre qu’avec 100 objets).
Le mode de vie minimaliste pose aussi plusieurs difficultés, surtout quand il est poussé à son paroxysme. On doit par exemple cuisiner différemment quand on utilise ni robots électriques, ni micro-ondes ; on doit laver ses vêtements plus souvent, parfois à la main, quand on ne dispose pas d’une garde de robe de ministre ou d’une machine à laver ; notre liberté géographique est soumises aux horaires des transports en commun ou des covoituriers. Certaines tâches doivent être sous-traitées en ville comme l’impression de documents, le lavage de linge au lavomatic, …
Les difficultés dépendent du niveau de minimalisme et de son acceptation. Chacun fixe ses limites et les objets qui lui sont essentiels. Dans mon cas, si j’omets les quelques reliques conservées chez la famille, la totalité de mes affaires rentrent dans un sac à dos de 70 litres. En tant que nomade digital (personne géographiquement libre qui travaille sur internet), le minimalisme m’aide à voyager autant que mon budget me le permet, sans avoir de contraintes matérialistes qui m’en empêcheraient. C’est une pratique assez aiguë du minimaliste pour laquelle ont opté nombreux voyageurs et globe-trotters.
Né aux Etats-Unis, le minimalisme s’inspire philosophiquement des cultures taoïstes, bouddhistes et japonaises. Je pense qu’il devient une culture à partir du moment où des milliers de personnes le pratiquent. Il s’étend d’ailleurs aux domaines artistiques, à l’architecture, à la mode, au design, … Une marque américaine en a même fait un slogan publicitaire :
« Nous appelons les consommateurs à réfléchir sur la réalité de leurs besoins. Il ne s’agit pas d’arrêter de consommer, mais de ne le faire que si c’est réellement nécessaire. » explique la marque Patagonia.
C’est évidemment un coup de marketing. Quelle entreprise pense réellement que leurs clients doivent consommer moins ?
Pour vous la culture dominante actuellement dans notre société est-elle une culture de consommation ? Si oui en quoi le minimalisme va-t-il a contre courant ?
Depuis des décennies, et encore de nos jours, la culture dominante de notre société est incontestablement celle de la consommation. La publicité, le prêt bancaire et l’obsolescence programmée en sont les piliers, la voiture, le fer de lance. Qui aujourd’hui n’a jamais bu de Coca ou n’a jamais mis les pieds chez Ikea ? La culture de la consommation est simplement inévitable à la croissance économique tel quelle est définie aujourd’hui. Le minimalisme est par définition une réaction humaine à la culture de la consommation. Il prône une consommation modérée et utile.
Si on appelle contre-culture, une culture s’opposant à celle qui domine majoritairement, le minimalisme est-il pour vous une contre culture ? Et la simplicité volontaire ou la décroissance ?
Consommer plus, acheter plus, posséder plus. C’est ainsi que se développe encore notre économie moderne, dite de croissance. Le minimalisme, la simplicité volontaire et la décroissance viennent perturber ce mode de développement humain et prennent de plus en plus d’ampleur à l’échelle mondiale. Je pense que durant ces prochaines décennies, ces contre-cultures vont tendre de plus en plus vers la norme. Le culte du « moins et mieux » est déjà fortement présent dans les mentalités et s’est même intégré à la société de consommation.
Quels sont d’après vous les moyens (blog, bouche a oreille, livre, campagne politique,…) qu’utilisent les cultures en opposition avec notre société de consommation pour se faire connaître ? Pour le minimalisme en particulier ?
Le minimalisme s’est répandu aux Etats-Unis par des écrivains et/ou blogueurs comme Everett Bogue. D’autres blogueurs et écrivains ont découvert le minimalisme et ont publié leurs histoires et expériences. Le bouche à oreille a fait aussi son effet, et aujourd’hui, on compte des dizaines de livres et de blogs consacrés au minimalisme et à la simplicité volontaire. Je ne pense pas que le minimalisme soit intégré à certains programmes politiques, peut-être dans quelques parties décroissants. Le minimalisme n’est pas simplement une contre-culture, c’est aussi un phénomène de société qui continuera à prendre de l’ampleur, en réponse à l’augmentation de la pauvreté et des problèmes écologiques. Pour ma part, je continuerai à apporter ma pierre à l’édifice en faisant découvrir le « minimalisme de voyage » aux lecteurs de mon blog et aux personnes qui s’intéressent à mon mode de vie.
Comment avez vous connu le minimalisme ?
Adepte de la simplicité volontaire depuis quelques années, j’ai découvert le minimalisme grâce à un lecteur de mon blog, Damien, qui tient aussi un blog appelé « Raccourci-minimaliste« . J’ai alors pu mettre un mot sur mon désir de ne posséder que les objets dont j’ai réellement besoin.
Moi qui pensait lire un article sur le minimalisme graphique 🙂 Du coup je me suis laissé prendre, intéressante interview. Un blog que je mets de côté pour de prochaines lectures !
Salut,
Excellent article sur le minimalisme, je connaissais mais là, tu as vraiment poussé dans le détail, et on comprend tout de suite mieux.
J’aime beaucoup, c’est bien en marge de la sur-consommation que l’on voit de plus en plus autour de nous. J’adhère totalement au concept pour ma part.
Bonne continuation à toi, à très vite !
Article intéressant sur un concept que je connaissais pas mais de lequel on se trouve souvent confronté je trouve en voyageant de manière indépendante en toute simplicité dans les pays les plus pauvres. On se rend compte finalement que l’on n’a pas besoin de bcp de choses pour être heureux
Je te remercie encore une fois d’avoir répondu à nos questions, et surtout de l’intérêt de tes réponses, très complètes qui abordent la plupart des aspects du minimalisme.
J’aime beaucoup cette philosophie. Pour moi une croissance infinie dans un monde fini n’est pas viable.
Je pense qu’il faut maintenant privilégier la croissance du bonheur et du bien-être étant donné que la croissance économique atteint ses limites.
Il faut apprendre à vivre autrement et à ne pas se créer des besoins inutiles.
Excellent article mon Callaghounet. Mais… le gros problème qui se pose pour un vorace lecteur doté d’une grosse bibliothèque… c’est le manque de livres. J’espère qu’à l’Alliance française y’aura de la réserve ; je vais de toute façon devoir recourir au livre numérique : c’est dire si je ne suis pas sorti du monde des écrans ! Tiens, je te lance d’ailleurs un sujet d’article : « Comment passer le minimum de temps face à des écrans ».
@Mike
Transporter des livres est un problème récurrent pour les voyageurs. C’est lourd et encombrant mais indispendable. Les formats de poche sont pratiques pour les voyages. Concernant les ebooks, je n’ai jamais aimé lire les livres sur écran. La lecture y est très différente et il est bien plus délectable de lire dans un parc, au bord de l’eau ou en terasse. Il reste la solution des tablettes numériques, que je n’ai jamais réellement testée, mais on perd le charme du papier. Pour ma part, je fais des roulements de livres en les donnant une fois lus.
Certes, mon Callaghounet, mais dis-toi que je bouffe à peu près 2 à 3 livres par semaine. Alors pour un séjour d’un an, fais les comptes. J’aurais beau embarquer la Bible (seul livre papier que je prendrai) et des Dostoievski ou Tolstoi, 1. ça fait du poids, 2. ça prend de la place (je me souviens encore une mini-bibliothèque trimballée péniblement dans ma valise en Palestine, avec du Orwell, du Nietzsche, du Nerval…).
Donc le livre numérique me semble la seule solution raisonnable ! Me pencherai sur la question en juin-juillet, avec la cam’.
Bonjour Kalagan !
En voyant cet article, je me rends compte du comportement minimaliste que j’adopte depuis toujours.
J’ai toujours considéré qu’il fallait consommer en fonction de ses besoins réels et non « fictifs ».
Il y a 3-4 ans, je cherchais déjà si un tel terme existait, faute de ddocuments probants, j’ai lâché prise. Mais savoir que je ne suis pas le seul à adopter cette philosphie me rassure.
J’avais trouvé un article sur Objectifsliberte.fr qui traitait de ce thème, mais force est de constater que le monde capitaliste ne souhaite pas voir ce système se développer, trop nocif pour les convictions commerciales de ces leaders.
J’aurais une dernière question, comment se traduirait selon vous (Kalagan et les « commentateurs ») le minimalisme dans une situation de couple?
Merci encore Kalagan, Bonne journée !
Je pense que le minimalisme ne doit pas être considéré différemment lorsqu’on est en couple, sauf si biensûr ton partenaire est un ultra-consommateur. Je pense qu’en couple, on peut partager plein d’objet comme un vélo par exemple, les ustensiles de cuisines, le PC portable voire le téléphone. Encore une fois, cela dépend des besoins de chacun. Johan est minimaliste et vis aussi en couple. Tu pourras peut-être y trouver des articles intéressants.
Très bon article une nouvelle fois. Je pense que notre société actuelle est beaucoup trop basée sur le matérialisme, un matérialisme qui tourne parfois à l’obsession…
J’aime beaucoup ta partie quand tu parle de la « diète informative », j’ai également lu le livre de Tim Ferriss, la semaine de 4H et depuis j’essaye petit à petit de m’y mettre, et on se rend vraiment compte du temps que l’on perdait devant la télé.
Franchement intéressant. Le minimalisme semble aller un peu à l’encontre du mode de vie en société (occidentale j’entends), cependant je crois que ça a tendance à changer. On voit bien qu’on s’essouffle, en fait, surtout notre génération commence à changer. On verra pour la prochaine!
Très intéressant! J’ai lu aussi le livre de Tim Ferris, il développe beaucoup de points très intéressants. J’ai grandi dans un milieu « où on achète pas si on a pas vraiment besoin », quand j’étais gamine je comprenais pas pourquoi les autres enfants avaient tout un tas de trucs (inutiles quand on y pense) que je n’avais pas. Mais maintenant je suis bien contente d’avoir eu des parents comme ça parce qu’au final il y a beaucoup de chose dont on a pas besoin. Genre la télé, c’est pas franchement nécessaire surtout quand on voit les programmes. Je n’ai plus de TV depuis 2008 et ça va très bien 🙂 Je trouve que c’est moins angoissant de se limiter à ce dont on a besoin, et c’est pas pour autant qu’on est déconnecté du reste du monde!
Le minimalisme est parfois favorisé par les prestations de services que peut offrir une ville ou un pays.
Vivant à Bangkok depuis plus de deux ans, je me passe totalement de voiture grâce aux transports en commun, taxis (pas cher), tuk tuk, motorbike-taxi. C’est une économie énorme d’abord financièrement plus de crédit pour m’achat du véhicule, plus d’assurance à payer, plus de parc-mètres ou autres parking payant, plus de frais d’entretien ou de réparation, plus d’essence à acheter… C’est aussi une énorme économie de temps, ne plus être dépendant du trafic et des embouteillages, recherche de place de parking (tout ça est particulièrement vrai à Bangkok)… Exemple faire des courses au supermarché (Big C équivalent à Géant Casino), j’y vais à pied en 10 minutes de marche. Je suis chargé parce que j’ai acheté des packs d’eau? Je rentre avec un tuk tuk pour 40 bahts (1€)…
Quant à la nourriture, n’en parlant pas! En Thaïlande cela revient plus cher de cuisiner à la maison que d’acheter tout prêt dans la rue!!! Donc on peut se passer de plaques de cuisson, four, stock de denrées… Et ça réduit les factures d’énergie en même temps!!!
La Thaïlande serait-elle l’Eldorado des minimalistes ?
Il y aussi une question de culture. Je pense que les occidentaux ont pris la très mauvaise habitude de s’enfermer chez eux et de vivre de manière isolée.
Je me rappelle d’une discussion avec un couple d’amis dans laquelle j’affirmais que vivre en colocation avec des enfants, c’était très bien. Ils furent un peu choqués et n’imaginaient la colocation qu’entre jeunes étudiants débauchés.
Pourtant, dans les pays africains ou asiatiques, il est très courant de vivre avec les tontons, les tatas, les grand-parents, les amis, les cousins, frères et soeurs, …
Il est en de même pour l’alimentation en ville. Chez nous, on a quasiment que des snacks, des brasseries ou des restaurants chers. Puis-je trouver une sorte de cantine à Bruxelles, avec juste un plat du jour, équilibré et pas cher ? Oui et c’est un restaurant chinois !
Bref, on a beaucoup à apprendre du voyage et des cultures étrangères, qui sont en géneral plus minimalistes que la culture occidentale dominante.
C’est vrai qu’en France, il y a encore du chemin à faire concernant le mode de vie minimaliste, et la décroissance. Comme dans la plupart des pays industrialisés, c’est la consommation qui est reine et non l’inverse. Peut-être qu’avec la crise qui s’installe les mentalités vont changer. Les discussions évoluent et les centres d’intérêt aussi. On entend plus parler transition énergétique, de recyclage, d’échanges de bons procédés. La crise a au moins ses bons côtés, rassembler à nouveau les gens. Dommage qu’il faille passer par des extrêmes !
Bonjour Kalagan,
Un précurseur du minimalism nous vient tout droit des Etats Unis, j’ai nommé Léo Babauta.
Pour information il tient un site internet sur le minimalism et ses posts sont traduits sur un blog français:
http://frenchminimalism.wordpress.com/
Bien à vous cher lecteurs,
Etienne
Salut Kalagan,
Je viens de tomber sur ton article, même si il date de 2012, il est d’actualité et de plus en plus de médias s’emparent du sujet du minimalisme.
Il y’a justement une émission aujourd’hui à 13h15 qui traite du sujet, c’est Circuits Courts sur Europe 1.
Il y aura comme invités, Dominique Loreau, une des pionnières du mouvement minimaliste, et auteure de plusieurs ouvrages reconnu comme » l’ art de la simplicité »
Et Lucile du blog http://positivessence.fr , qui a un regard très intéressant et moderne sur le mode vie minimaliste.
Au plaisir de te lire,
Virgile
Salut Virgile.
Bienvenue sur mon blog et merci pour le partage.