J’ai discuté avec plusieurs blogueurs dans le domaine du voyage, plutôt écolos, qui essayent tout comme moi de minimiser leurs déplacements en avion. Les émissions de CO2 engendrées par l’aviation civile représentent près de 3% des émissions totales et sont en constante évolution(1). J’étudie aujourd’hui les programmes français de compensation carbone, afin de savoir s’ils sont vraiment utiles. Prendre l’avion m’est indispensable et je tiens à ce que mes actes soient cohérents avec mes idéologies écologistes. Quid de la compensation carbone ?
Qu’est ce que la compensation carbone ?
Je m’envole pour l’Europe à la fin du mois, en prenant un avion à Cancun pour Londres. Les différents calculateurs d’émissions carbone sur internet m’affichent approximativement un peu plus de 3 tonnes de C02 pour tel’aller-retour en classe économique. Ce qui correspond grosso-modo aux émissions moyennes d’un népalais durant toute une vie. Je vais donc indirectement contribuer aux fontes des glaciers de l’Himalaya, qui est une des conséquences les plus dramatiques du réchauffement climatique pour ces prochaines décennies : de nombreux villages et routes népalaises seront inondés, les conflits pour l’eau déjà existants entre la Chine et l’Inde vous s’amplifier, l’Inde connaîtra les plus grandes sécheresses de son histoire, provoquant des crises alimentaires sans précédent… L’humanité est aux portes de sa plus grande menace, et l’Europe, première puissance mondiale, ne cesse de se faire plumer par la finance internationale. Le réchauffement climatique est sorti du débat politique, alors que les rapports du GIEC, même les plus optimistes, sont de plus en plus alarmants.
Ma conscience écologique est mal menée à chaque fois que je prends l’avion, et bien que je me fusse promis de ne pas le prendre en Amérique latine, j’ai succombé à un vol discount entre Guatémala Ciudad et Mexico. Le principe de compensation carbone (ou neutralité carbone) émane du protocole de Kyoto. Il est entré en vigueur en 2005. Il permet à une entreprise, un particulier, à une administration publique ou même à un état de compenser ses émissions de GES (gaz à effets de serre) en investissant dans des projets de séquestration ou de réduction de GES. En France, c’est l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui régie la législation :
« Le principe sous-jacent est qu’une quantité donnée de CO2 émise dans un endroit peut être compensée par la réduction ou la séquestration d’une quantité équivalente de CO2 en un autre lieu. Ce principe de neutralité géographique est au cœur des mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto. »
Ce principe de neutralité géographique permet donc de compenser un vol au Mexique par un projet au Népal. Plusieurs experts et ONG dénoncent dans certains cas le principe de compensation carbone comme un moyen pour de grandes entreprises de faire du greenwashing, préférant racheter leur conscience que modifier leur façon de travailler. Personne ne nie cependant que la compensation carbone représente une formidable opportunité pour l’aide au financement de projets visant à réduire les émissions de GES.
En 2012, 523 millions de dollars ont été investis dans des projets de compensation carbone (2). D’abord dans le secteur des énergies renouvelables (34%), puis des projets forestiers (32%). Le financement se diversifie ensuite dans l’équipement des habitations, 9% puis dans des projets sur l’efficacité et l’alimentation énergétiques.
Qui sont les acteurs français de la compensation carbone ?
Depuis 2005, 4 acteurs français respectant la charte de l’Ademe se partagent le marché de la compensation carbone : les associations actioncarbone.org (initiative de la fondation Good Planet) et Co2Solidaire (programme de compensation carbone lancée par l’association GERES, Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités), puis les entreprises Eco-Act et Climat Mundi. Tous travaillent notamment sur des projets de reforestation ou de production d’énergies renouvelables, notamment dans les pays du Sud.
Dans un article de l’excellent Terra Eco (plus disponible aujourd’hui), 2 experts climat-énergie sont interviewés sur l’efficacité de tels projets : il en ressort des discussions que les meilleures méthodes sont celles qui agissent rapidement. La reforestation par exemple ne compensera vos émissions qu’au bout de 30 ans, dans le cas d’une forêt gérée durablement. Alain Grandjean, consultant en énergie, préconise plutôt des projets de méthanisation de décharge, pour traiter des eaux usées, des déchets agro-alimentaire, des ordures ménagères…
Le problème majeur de ce genre de programme, c’est qu’il n’attaque pas la source du problème : la diminution des émissions de GES dans les pays du Nord. Certains projets sont développés en France, mais ils restent encore minoritaires.
La compensaiton carbone peut vous permettre de réduire vos impôts
Parmi les 4 acteurs cités ci-dessus, seul l’association Action Carbone est considérée d’utilité publique. Si un contribuable compense ses émissions via Action Carbone, cette compensation sera prise en comtpe par l’administration fiscal comme une donation et permettra de bénéficier de 66% de réduction d’impôts sur la valeur de la donation, dans la limite de 20% des revenus imposables. Je vais donc plus particulièrement étudier les projets que propose Action Carbone. Après l’inscription et le calcul de la compensation carbone en fonction de votre vol, Action Carbone vous propose plusieurs projets entrant dans le dispositif gouvernemental de réduction d’impôts :
- Construction de réservoirs à biogaz dans le Guizhou en Chine ;
- Plantation de palétuviers au Bénin ;
- Assistance à la régénération de la forêt colombienne.
Ces 3 projets sont décrits de manière complète sur des pages spécifiques (description, partenaire, réalisation, actualités, méthodologie carbone et médiathèque) : c’est du sérieux. Une fois le projet sélectionné (optez plutôt pour le réservoir de biogaz, en accord avec les conseils d’Alain Grandjean), vous pourrez choisir entre plusieurs moyens de paiement. Vous recevrez un reçu fiscal ouvrant droit à une réduction d’impôts correspondant à 66% de la somme versée.
Petit simulation de mes vols en 2013
En 2013, j’ai pris un vol simple de Guatémala Ciudad à Mexico, ainsi qu’un vol aller-retour de Cancun à Londres. Ce qui fait 3581 kgCO2e (kilos équivalent CO2) pour une compensation d’une valeur totale de 71,55 euros. Après déduction fiscale, la compensation de mes vols d’avion en 2013 me coûterait donc 24,32 euros.
La compensation carbone de ses vols aériens est aujourd’hui une initiative personnelle des usagers. Il y a quelques voyagistes comme MonNuage.fr par exemple, qui proposent facultativement, en partenariat avec Action Carbone, de compenser ses émissions. Mais 8 ans après que le protocole de Kyoto soit entré en vigueur, la pratique est encore malheureusement très marginale. Pourquoi ne pas légiférer en Europe sur l’obligation de rendre optionnelle la compensation carbone sur l’achat de billet d’avion ? Voire l’intégrer directement dans le prix du billet, quitte à augmenter les tarifs. C’est de cette solution dont je suis partisan.
En fin d’année, je déterminerai si je suis imposable ou non. Si oui, je compenserai mes émissions concernant mes vols via Action Carbone, sinon, je les reporterai à l’année suivante.
J’espère vous avoir éclairé correctement sur les programmes français de compensation carbone. Qu’en pensez-vous ? Seriez-vous prêt à prendre vos responsabilités de voyageurs et à compenser les émissions engendrés par vos voyages en avion ?
Source et chiffres :
(1) Emission de CO2 par l’aviation civile
(2) CO2 : le marché de la compensation carbone en hausse de 4 % en 2012
Bonjour,
Nous avons lu avec grand intéret votre article, et nous sommes heureux de voir que ce type de démarche est de plus en plus considéreée en France !
Je souhaitais simplement corriger un point important de votre article sur la fiscalité. En France, depuis 2008, un texte de loi précise très clairement que les opérations de compensation carbone ne peuvent en aucun cas faire l’objet de déductions fiscales, QUEL QUE SOIT L’ORGANISME AVEC QUI VOUS TRAVAILLAIS (Association, ONGs, entreprise, etc.).
Par ailleurs, pour passer une bonne partie de mon temps sur les projets que nous proposons à nos clients, je souhaiterais mettre en lumière que ces programmes dépassent largement le simple cadre « carbone », et ne sont ni plus ni moins que de véritables programmes d’aide au développement, intégralement financés par ces crédits carbone. Les retombées sont multiples : éducation, santé, protection de la biodiversité, développement économique local, etc…
Simon
Nos dons à Action Carbone, associaton d’utilité publique reconnue par l’Etat , ne serez donc pas pris en compte par le FISC ? Action Carbone mentirait en tout état de cause sur son site internet depuis 5 ans ? J’ai vraiment du mal à le croire…
Je confirme ce que dit Simon à propos de la non déduction de ses revenus les dons liés aux compensations carbone volontaires. Mon second article donne les liens vers les articles de loi.
Confirmes-tu qu’Action Carbone ment depuis 5 ans sur son site internet ? Où est-ce qu’un don à Action Carbonz est tout de même considéré comme d’utilité publique et ainsi défiscalité à hauteur de 66% ?
Le fait d’améliorer les conditions de vie de populations « locales » parce qu’on prend l’avion est une jolie foutaise. Heureusement que ceux qui le font sans prendre l’avion sont plus nombreux.
On est bien dans un marché modernes des indulgences, où l’on met en lien des choses qui n’en ont pas, et polluer la conscience tranquille, aux dépends de ceux qui ne le peuvent pas…
Salut Pascal.
Je ne suis pas d’accord avec ton point de vue. Et je suis partisan de dire que « c’est mieux que rien ». Certes, le mieux, c’est de ne pas prendre l’avion. Mais pour les voyageurs comme moi (et encore, je prends l’avion 2-3 par an, j’en connais qui le prennent bien plus souvent), participer aux financement de projet de décarbonisation, c’est pour mon un acte citoyen. Imagine que ce procédé soit obligatoire pour les compagnies aériennes : cela permettrait d’avoir de gros budget pour financer de nombreux projets, et cela aurait alors une impact non-négligeable.
Bonjour,
Je me permets de porter à votre connaissance la publication de mon dernier article sur la compensation des gaz à effet de serre générés par nos voyages
http://blog.voyages-eco-responsables.org/?p=946
Il est publié sur le blog de l’association V.V.E. (Voyageurs et Voyagistes Ecoresponsables), et a été repris par le site du Ministère du Tourisme.
La compensation carbone de nos voyages, comme de toutes nos activités en général, est un problème complexe, à la fois technique, éthique, psychologique, social, etc.
Cet article, et le précédent, expliquent le mécanisme, l’organisation du marché de la compensation volontaire, et surtout ces pièges ; en particulier celui de la non validité en la (re)forestation comme outil de compensation. Le premier évoque les modes de calcul.
Mon blog rassemble d’autres articles de diverses origines qui vont dans le même sens.
http://pascal-planeteclimat.blogspot.com
Je ne peux que recommander le petit livre très bien fait d’Augustin Fragnière « La compensation carbone : illusion ou solution », lequel aborde toutes ces aspects.
Sur Manicore, la page qui traite directement de cette question est http://www.manicore.com/documentation/serre/neutralite.html, mais tout le site est intéressant à consulter.
Sous l’angle de la compensation carbone, il pose aussi les questions de la durabilité des modèles du tourisme, mais de toutes les activités humaines, d’aujourd’hui :
Comment concilier maintient du trafic aérien et développement soutenable
Comment réduire la quadrature du cercle, celle d’un nombre croissant de voyageurs en avion, d’un stock fini de pétrole, et d’une technologie encore inexistante, même embryonnaire, pour faire voler des avions avec autre chose que du kérosène.
Vos commentaires sont les bienvenus.
Cordialement,
Pascal Lluch
Merci Pascal pour ces précieux liens, très intéressants. Vous mentionnez Jean-Marc Jancovici. C’est aussi mon mâitre à penser sur les questions énergie-climat.
Le problème majeur de Jancovici est qu’il est un nucléariste forcené, et que comme les autres n’a pas les solutions pour éviter les accidents ni gérr les déchets. Mais ses analyses sont toujours pertinentes.
Jancovici est « nucléariste » pour de bonnes raisons. Je ne le suis pas mais je comprends très bien son point de vue. Cela me fait d’ailleurs beaucoup réfléchir.
Comme toi je me sens coupable dès que je prends l’avion. Du coup sur des distances relativement courtes, je favorise le train. Pas facile d’autant que ce dernier coûte parfois plus cher.
La compensation carbone n’est pas une mauvaise idée, disons que c’est mieux que rien. Ceci-dit, rien ne remplace le fait de ne pas poluer à la base. Je suis certain qu’on pourraît considérablement réduire nos émissions en investissant d’avantage dans les énergies renouvelables. Tout est une question de priorité.
T’as raison, rien ne remplace le fait de ne pas polluer à la base… Mais pour moi, l’avion est une « bonne raison » de polluer (excuse-moi du terme). Je suis donc pour sa taxation, afin d’augmenter les prix et diminuer les volumes de vols, tout en utilisant l’argent pour développer d’autres moyens de transports.
Par contre, les énergies renouvelables, ce n’est malheureusement pas une solution efficace pour réduire les émissions. Les experts internationaux sont tous d’accord (je ne parle pas des médias, politiques, et autres chercheurs à la merci des lobbys…) : il faut taxer progressivement les carburants squr le long terme. Cela diminuera efficacement et petit à petit leur consommation, et l’argent des taxes permettra de changer notre modèle énergétique et économique. C’est ce qu’on appelle la taxe carbone (la vraie).
Moi aussi je culpabilise en prenant l’avion. Je fais des efforts toute n’année, pas de voiture mais un vélo … etc et tout ça est grillé par un simple vol long courrier. Du coup pour mon dernier voyage au Maroc, j’y suis allé en bateau. Ce n’était pas la seule motivation mais c’en était une. Voir le lien ci-dessous pour l’article.
La compensation carbone j’y ai songé plus d’une fois mais je ne suis pas arrivé au stade ou je serai convaincu que l’honnêteté de ces programmes. C’est un sujet à la mode et qui, comme avec tous les sujets à la mode, n’attire pas que je gens honnêtes. J’y viendrai sans doute un jour mais il faut que je creuse un peu plus le sujet. Ton article m’aide en peu 🙂
Kalagan, il faut arrêter de croire à la compensation, qui est un terme précis, qui a une signification précise, parce que ca n’existe pas. Une pollution émise ne rentrera pas dans la bouteille pour la faire disparaitre… Et je pense que mes articles permettent de comprendre que la compensation de ces émissions de CO2 et autes GES ne peut pas exister. Les articles parus dans la presse que j’ai mis en ligne sur mon blog vont ce dans sens : même les projets certifiés MDP (les plus contraignants), au final ne valent rien.
rien que la cinquième condition de la compensaion (l’additionnalité) permet de comprendre que la compensation « là-bas demain » pour une pollution « ici maintenant » ne tient pas la route.
Mais comme toi je prends l’avion, encore un peu. Mais en toute conscience, sans chercher à prendre des vessies pour des lanternes. C’est d’ailleurs bien pour cela que je me suis aussi sérieusement que possible penché sur la question, pour bien comprendre.
J’ai isolé ma maison au maximum, je prends mon vélo pour aller faire mes courses (8 Km), je diffuse de l’info, je fais mon jardin, et je développe des séjours randos dans ma région, au départ des gares… Mais je prends encore 4 ou 5 fois l’avion pour aller travailler, car je trouve plus facilement des clients pour aller à Madère, que les faire venir chez moi.
Il n’y a pas de bouton ON/OFF, mais il faut pousser, car il y a urgence…
[..] la compensation « là-bas demain » pour une pollution « ici maintenant » ne tient pas la route » […]
Je suis tout à fait d’accord avec çà. Je n’ai pas dit que la compensation carbone était la solution. Je n’ai jamais eu de voiture et n’espère jamais en avoir, je n’achète quasiment pas de produits manufacturés, me converti de plus en plus à l’alimentaion locale, mais pourtant, 1 à 2 fois par an, je fais un aller-retour en long cours. Je sais que je continuerai à prendre l’avion, même si je fais attention à le prendre le moins possible. Pourquoi m’empècherait-on d’investir dans des projets environnementaux pour me faire « pardonner » ? Les calculs sont ce qu’ils sont et scientifiquement, ils sont sûrement très discutables. Mais sur le fond, je continue de penser que ce système, bien utilisé, pourrait être un bon moyen pour financer des projets qui vont dans le sens de la décarbonisation.
C’est un sujet qui m’intéresse depuis quelques mois. Je voudrait mettre en place sur mon blog, voir à chaque fois que je prends l’avion.
Mais pour moi, ce qui est proposé n’est pas très claire. Et je doute aussi de l’honnêteté du truc, l’argent va-t-il bien là où il doit aller?
Il faudrait un autre article pour détailler plus les propositions des différents acteurs et ton feedback.
J’ai tendance à croire qu’une association qui a été reconnue d’utilité publique par le conseil d’Etat, elle fait du bon boulot. Je sais bien que y’a du lobbing, aussi dans les domaines environnementaux, mais je crois pas qu’Action Carbone détourne les fonds. Je crois que le problème vient plutôt des incompétences techniques : on dit encore aujourd’hui en France qu’il faut investir dans le photovoltaïque et l’éolien, alors que c’est pas du tout efficace…
Bonsoir,
2 articles en plein dans le sujet… Bien intéressant à lire (de mon point de vue ! Je vais les mettre sur mon blog http://www.bastamag.net/article3154.html
Avec Air France, compenser les émissions carbone des riches peut …
Basta !
http://www.bastamag.net/article3154.html
En réduisant le taux de déforestation, il s’agit de préserver « plus de 35 millions de tonnes de carbone stockées » [2]. 470 000 hectares de nouvelles aires …
Quand des ONG environnementales veulent vendre des crédits carbone
Basta !
http://www.bastamag.net/article3179.html
L’idée de la compensation est que chaque tonne supplémentaire de carbone « économisée » génère un crédit équivalent. Et permette de « relâcher » une autre …
Je me suis toujours intéressé à la réputation qu’avaient les Français à l’étranger. En voyage, je demande régulièrement à mes interlocuteurs ce qu’ils pensent des Français. Pourquoi dit-on d’eux qu’ils n’aiment pas les douches, qu’ils sont arrogants et romantiques ? J’invite aujourd’hui Benjamin, blogueur sur Partir Voyager et Baroudeur Malin à nous expliquer un phénomène assez particulier en Australie. Apparemment, depuis quelques annés, notre réputation dans ce pays s’est largement dégradée. Le comportement de certains backpackers désillusionnés en serait la cause.